Manipulés par la propagande, les civils de l’arrière ont une vision héroïsée de la guerre et du combattant qui s’exprime dans le courrier ou lors des permissions. Mais les « héros », terrés dans les tranchées et traités comme de la chair à canon par le haut-commandement se sentent pitoyables dans cette guerre qui est une négation de l’homme.
Alphonse de Châteaubriant (ancien élève du Lycée) exprime cette incompréhension dans une lettre du 12 novembre envoyée à son épouse, infirmière bénévole dans les hôpitaux de Nantes.
« Mon amie, vous ignorez la guerre, vous autres gens de l’Ouest. Vous n’en apercevez que vos charpies. La figure du blessé, lavée, détendue, reposant sur l’oreiller blanc, n’appartient plus au même homme, elle en a pris une douceur enfantine. C’est ce blessé que vous connaissez. La guerre finie, pas une fleur ne manquera à l’appel du printemps. Ici, nous sommes entourés de détresse morale autant que de corps déchirés et agonisants. De tout cela confondu, s’élève une sorte de rumeur sourde, de râle étouffé, qui étreint l’âme… Je renonce à te transporter sur les routes avec moi, dans nos cantonnements, à travers les campagnes empuanties par les morts, à travers les plaines semées de chevaux roidis. »