Après les salles de cinéma, Graslin rouvre ses portes aujourd’hui.
Le théâtre, comme tous les spectacles, avait été interrompu par la guerre au nom du recueillement qui s’impose à la patrie éprouvée. D’ailleurs ce n’est pas sans un certain malaise, et une réelle maladresse, que le journal Le Phare annonce cette réouverture :
« Le théâtre Graslin va rouvrir ses portes. La municipalité a autorisé M. Rachet à y donner un certain nombre de représentations, dix ou douze par mois au plus.
Ce serait une erreur de ne voir dans ce petit événement de la vie locale, rien autre chose que la satisfaction d’un besoin irrésistible de plaisir de la population nantaise. Il est vrai que si beaucoup de familles en deuil pensent à tout autre chose qu’à aller au spectacle, il en est d’autres qui, ayant vu les leurs épargnés par la guerre, n’ont pas de raisons personnelles de s’en éloigner…
Aussi bien, il serait exagéré de penser que l’envie d’aller au théâtre est une preuve qu’on se désintéresse du sort de la patrie. Mais on n’a aucune inquiétude sur ses destinées. Quand un peuple a donné au monde cet exemple d’union patriotique, de conscience des devoirs à remplir, d’énergie morale et d’héroïsme militaire, il peut être rassuré sur son avenir… Il reste grave, mais la gravité n’est pas la tristesse.
D’ailleurs, les représentations théâtrales auxquelles il assistera seront choisies pour ne pas heurter ses sentiments intimes. On en éliminera ces pièces, si communes dans les dernières années, où les bons mots étaient remplacés par des gros mots, où la pornographie prenait peu à peu la place de l’esprit, où notre sens de la bonne gaieté se dépravait, s’encanaillait de plus en plus… »