La bataille de Verdun a commencé le 21 février avec l’offensive allemande sur Douaumont. Les journaux nantais ont attendu le 24 février (Le Populaire) ou le 25 (Le Phare) pour en informer leurs lecteurs, minimisant la progression de l’ennemi et déniant toute importance stratégique au site de Verdun.
A partir du 27 février, par un revirement aussi soudain qu’inexpliqué, ils consacrent l’intégralité de leur première page à la « bataille de Verdun » : communiqués, cartes, photographies, éditoriaux… Sous la plume des éditorialistes se construit jour après jour le mythe de Verdun :
« La partie qui se joue dans la région de Verdun est si importante que tout le reste disparaît à nos yeux. Quoi qu’il arrive, Verdun, même à moitié démolie par les obus allemands, vivra d’une gloire immortelle… jadis elle résistait avec ses murailles de pierre, avec ses remparts, avec ses fortifications. Maintenant des centaines de milliers de Français viennent se dresser entre elle et l’ennemi, spectacle admirable, d’une beauté tragique. » (G. Veil, Le Populaire du 28 février)
Un mythe a besoin d’images fortes et, le lendemain, 29 février, c’est celle du fort de Douaumont (pris par l’ennemi le 25 février) que les éditorialistes du Populaire et du Phare proposent à leurs lecteurs. « Autour de Douaumont » titre Le Populaire. « Le bloc de béton et d’acier est en ruines… mais les Français, que l’ennemi n’a pu déloger du village de Douaumont, assiègent la position… » écrit Gaston Veil, tandis que Maurice Schwob escompte sur « la riposte de Douaumont » pour précipiter le dénouement.
Sous leurs yeux, et avec leur complicité, la Grande guerre met en place les conditions de sa propre célébration.