Responsable d’une ambulance, sur le front de la Somme, Alphonse de Châteaubriant écrit à sa sœur.
Il évoque un mal-être que tous les soldats du front éprouvent, même s’ils n’ont pas toujours les mots pour le dire :
« Là où nous sommes, les conditions ne sont pas bien fameuses pour écrire. Ce qu’on a sous les yeux est d’une tristesse si poignante ! L’âme finit par se retirer au plus profond d’elle-même, et demeure ainsi, sans essor, sans mouvement, comme frappée de paralysie. Il faut faire un grand effort pour éveiller en soi la vision un peu précise de tout ce qui est au-delà de ce cercle dantesque. Il semble, comme je te l’ai dit souvent, que nous ayons été, nous soldats, transportés par les extraordinaires événements actuels, sur la rive opposée du temps. Entre vous et nous, se creuse, presque à perte de vue, un grande vide noir inexplicable, un abîme de silencieuses ténèbres, où notre pensée, la pensée des vivants, ne trouve pas plus d’écho que le silence des morts ».