Le général Guillaumat, dans une très longue lettre à son ami le général Etienne, dresse un tableau sans concession de la situation politique du pays ; extrait :
« Pendant vingt et un mois, on a vécu de mensonges et on a fini par croire aux mensonges qu’on débitait. Le gouvernement, maître de la presse, comme jamais un gouvernement ne l’a été, a cru bien faire en créant une atmosphère de confiance que l’on n’avait même pas le droit de discuter sous peine de se voir traiter de mauvais Français et de pessimiste. Le grand malheur, c’est que si cette atmosphère factice a contribué à soutenir le moral et à rendre acceptable l’idée d’une guerre longue, elle a complètement fait disparaître la notion de l’effort et des sacrifices nécessaires. On a accepté les sacrifices d’argent, parce que le gaspillage effroyable qui a été fait profitait presque à tout le monde. On a accepté le sacrifice non moins effroyable, et si souvent inutile de vies humaines, parce que le Français est resté brave, aussi parce que ces sacrifices, on en a caché l’étendue globale à la masse, enfin, il faut le dire, parce que ceux qui font l’opinion de l’arrière ont été mis de plus en plus à l’abri (parlementaires, journalistes, etc…)…
Veut-on oui ou non envisager la situation telle qu’elle est ? Si on ne le veut pas, inutile de chercher des remèdes. Si on le veut, il faut carrément faire volte-face et, en déclarant que la patrie est en danger (je ne parle pas de déclarations mélodramatiques, mais de communications dosées et glissées à la presse) prendre les mesures que comporte cette situation, mesures visant à établir un gouvernement et un commandement qui manquent complètement l’un et l’autre ».