C’est la une du Phare qui précise, en-dessous, en gros caractères : « Marche en avant sur un front de plus de 130 kilomètres et une profondeur de 20 kilomètres ».
Les Allemands se sont repliés sur la ligne Hindenburg (voir notre chronique du 26 février). Communiqués officiels, journalistes, éditorialistes crient victoire dans les gros titres. Mais le lecteur qui se risque au cœur des éditoriaux trouve à modérer son enthousiasme.
Gaston Veil, si prompt à s’enflammer pour une tranchée gagnée, écrit dans Le Populaire :
« La rapidité même de cette retraite nous engage à nous méfier. Il ne faudrait pas nous laisser entraîner dans un traquenard par l’état-major germanique qui a sûrement une arrière-pensée. Le fameux maréchal s’est rendu compte de l’impossibilité pour lui de tenir sur un si large front, et il rétrécit ses lignes. Il y a une certaine hardiesse de sa part à prendre une telle résolution, quand on songe à l’orgueil allemand de battre ainsi en retraite ».
Le général Guillaumat écrit aujourd’hui à son épouse :
« On est, malgré tout, énervé par cette retraite. On ne comprend plus, à moins qu’ils ne préparent quelque chose sur un point très éloigné d’ici ».