Aujourd’hui, le commissaire de police de Nantes écrit au préfet :
« Depuis quelques jours des incidents… sont provoqués au passage du train de 20 h 40 composé en majeure partie de permissionnaires rejoignant le front.
Ce train traverse la ville depuis la gare de Chantenay jusqu’à la gare d’Orléans. Le long des quais, les poilus invectivent les passants ; les civils, les ouvriers mobilisés et aussi les militaires en tenue, de l’intérieur, sont traités d’embusqués et de fainéants. Les portières sont à peu près toutes ouvertes et des vitres sont brisées à coup de poing et de pied. Les soldats se tiennent, en dehors du train, debout ou assis sur les marchepieds.
A l’arrêt du train à la gare de la Bourse, beaucoup de militaires quittent leurs compartiments pour s’aboucher à travers la grille, avec les gens stationnés sur la chaussée… C’est une scène de cris et de jurons que déchaine, sans raisons, la vue du gendarme et des dragons de service…
Les cris de « A bas la guerre », « Vive l’Internationale », « Vive l’Anarchie », dominent cette scène de tapage.
La foule aux abords des gares devient journellement de plus en plus intense et laisse l’impression que l’on se donne rendez-vous pour assister au passage des poilus. Toutefois aucune manifestation de la part de la population ne s’est produite.
A la gare d’Orléans le spectacle est le même. Dans la salle des pas perdus, la foule est considérable, surtout le dimanche. Elle ne se compose pas des seuls voyageurs et de leurs parents ; il y aussi un grand nombre de curieux, les uns nullement malintentionnés, les autres près à faire chorus avec les manifestants au moindre trouble et même à tenir aux soldats des propos démoralisants… Les cris de « Vive la Révolution ! », « A bas la guerre » sont fréquents. Des jeunes soldats revêtus de l’ancien uniforme à pantalons rouges ont été remarqués entonnant l’Internationale….
Il convient de dire que les faits répréhensibles signalés sont l’œuvre exclusive des militaires venant de la Bretagne ; les permissionnaires prenant le train à Nantes, ont une attitude correcte dans les rues, et sauf quelques uns d’entre eux ayant bu outre mesure, il n’y a rien à leur reprocher… ».