dimanche, 22 juillet 1917

« Voilà ces mutins : ce sont les plus grands soldats du monde ! »

 

Suite aux mutineries de juin et aux troubles dans les gares, le Sénat débat des mesures à prendre contre la propagande pacifiste.

 

Clemenceau monte à la tribune pour prôner fermeté et compréhension :

« Il est arrivé du désordre dans les gares, dans les trains de permissionnaires. Il y a ici des collègues qui me disent : « Cette propagande [il vient d’en citer des extraits] n’a pas eu de résultat sur le front. » N’ont-ils donc pas vu ces trains de permissionnaires, n’ont-ils pas entendu ces cris qui sont les mêmes que ceux qu’on retrouve dans les brochures ?

            …..

Lors d’une visite à Verdun, j’ai été abordé violemment par un soldat qui était très en colère, si violemment, que le général qui était près de moi a voulu s’interposer. J’ai écarté l’honorable général. J’ai demandé à l’homme ce qu’il voulait. Il était tout en pleurs et m’a dit… [suit l’exposé de la ruine d’un soldat, artisan, et de sa famille provoquée par la guerre]… Voilà ces mutins : ce sont les plus grands soldats du monde !

Quand pour la première fois je suis entré dans un trou de boue, j’ai descendu une dizaine de marches et j’ai trouvé sous des capotes ruisselantes, dans une atmosphère infecte, des hommes qui dormaient comme s’ils avaient été couchés dans le meilleur lit ; à quatre heures du matin, sur un simple geste du caporal, j’ai vu des soldats, sans un mot, se lever, puis partir, sous les obus qui tombaient de tous les côtés.

Ces hommes sont grands dans leur vie, ils sont grands dans leur âme, ils veulent de nobles choses, ils ne se jugent pas toujours comme il faudrait, mais ils donnent leur vie, on ne peut leur demander rien de plus. Faisons-leur des conditions de vie aussi bonnes qu’il nous est permis de le faire ».

Il conclut : « Messieurs, je dis qu’il faut faire l’ordre à l’intérieur. Pour cela il faut la loi : il n’y a pas de liberté sans loi et sans sanction pour ceux qui transgressent le droit des autres. »