mardi, 4 juin 1918

« Le fléchissement est venu »

L’offensive allemande a semé le doute. L’affolement est grand à Paris et Clemenceau doit venir devant les députés défendre les chefs qui se sont laissé surprendre.

 

Il se livre à une analyse de la situation :

« Lorsque s’est produite la défaillance de la Russie… quelqu’un de vous, ici, a-t-il pu croire que le million de soldats qui allaient se trouver libérés ne se tourneraient pas vers l’Occident ?

Le fait s’est produit. Que pouvions-nous changer à l’événement ? Attendiez-vous de ce million d’hommes, qui revenait du front oriental, autre chose que la canonnade, que le coup de massue, le formidable coup de tête de bélier qui est donné en ce moment contre nos lignes ? Certainement non. Et c’est à cela que je songeais quand je parlais « d’heures cruelles » à traverser…

Eh bien, le fléchissement est venu, douloureux pour l’armée anglaise, qui a subi des pertes élevées. Il est venu redoutable et dangereux, pour l’armée française. J’ai dit dangereux, grave, mais je n’ai rien dit de plus, je ne veux rien dire qui soit de nature à troubler la confiance que nous devons avoir dans nos soldats. (Vifs applaudissements)…

Les Allemands, une fois de plus dans cette guerre, jouent leur va-tout. Mais il faut qu’ils réussissent ; et c’est la question : le « coup » qu’ils tentent consiste à nous terroriser, à vous faire peur, pour vous faire abandonner la lutte. (Applaudissements)…

Eh bien ! La décision est entre vos mains. Elle est entre vos mains pour une raison claire : c’est qu’il ne s’agit pas d’un simple raisonnement, mais d’une question de faits. Les Américains viennent. Les effectifs anglais et les effectifs français s’épuisent en même temps que ceux de nos ennemis ; mais nous avons, nous, des alliés qui viennent… (Interruptions sur les bancs du parti socialiste)

Cela je vous l’ai dit le premier jour ; ce n’est pas une improvisation d’aujourd’hui pour soutenir une thèse. Le premier jour je vous ai dit et j’ai répété à la Commission de l’Armée : « Le concours américain décidera de l’issue de la guerre ».