Sous ce titre, au moment où l’épidémie de grippe semble terminée (ce n’est qu’un répit) le chroniqueur du Phare s’interroge sur la variété de ses appellations :
« Donc la terrible maladie dont nous étions atteints paraît en décroissance… nous recevons notre courrier à l’heure réglementaire et nous n’avons dès lors plus trop à nous plaindre de la mystérieuse épidémie.
A la vérité, elle n’est pas si mystérieuse que cela. La grippe est une vieille connaissance… Le seul mystère est l’origine du nom fantaisiste dont on l’affuble à chacune de ses nouvelles apparitions. Sous la Restauration, ils avaient baptisé la grippe « influence ». Etait-ce parce qu’elle « influençait » fâcheusement les jeunes héroïnes des élégies romantiques auxquelles elle s’attaquait ?… En 1889, la grippe devint une maladie italienne et fut dénommée «influenza » sans qu’on ait jamais pu savoir pourquoi.
Aujourd’hui, elle s’appelle la « grippe espagnole ». Mais il faut reconnaître que cette fois, son nom est à peu près justifié. De tous les pays où la fameuse épidémie a fait son apparition, l’Espagne est celui où elle a revêtu de beaucoup le caractère le plus bénin, au point même qu’on l’avait appelé là-bas « la maladie de trois jours ».
Cette épidémie de grippe, pour l’instant bénigne, en touchant au printemps les soldats, tous belligérants confondus, est entrée dans le côté obscur des forces armées, frappée du secret militaire. L’évoquer, même pour quelques facteurs nantais, provoqua on s’en souvient (chronique du 3 juillet) un courrier agacé du maire dans les journaux. En Espagne, pays neutre, la grippe a connu une publicité que la censure interdisait dans les pays voisins. Là voilà donc naturalisée « espagnole » elle qui venait d’Asie.