L’armistice libère la parole.
Dans Le Populaire, le chroniqueur Verax écrit :
« Dans l’histoire de la censure pendant la guerre, il y aura un chapitre consacré aux mots interdits par Anastasie. Ces mots varient selon les époques…
Défense absolue de prononcer le mot gr…. Encore maintenant, je n’ose l’écrire, ignorant si l’édit est rapporté. Et ensuite, quand éclata l’épidémie de gr…., il nous fut interdit pendant plusieurs jours de donner le nom de cette maladie qui faisait tant de ravages. La consigne fut de faire comme si elle n’existait pas. Ce remède officiel ne suffit pas, et, pour combattre le fléau, on dut se résigner à s’adresser à des médecins et des pharmaciens, plutôt qu’à des censeurs.
Maintenant c’est une autre affaire. Il faut raconter des histoires qui se passent en Allemagne, en nous abstenant de certains mots russes qui sont pourtant bien commodes pour dépeindre la situation.
Mais heureusement, les lecteurs sont perspicaces, ils sont habitués aux devinettes, après plus de quatre ans d’exercice, et ils comprennent à demi-mot ».
Si l’armistice procure quelque embellie aux journalistes et à la population, la grippe a vite fait d’assombrir à nouveau le quotidien des Nantais comme l’écrit la directrice de l’école des filles de la rue Ampère :
« Les réjouissances de l’armistice, qui durent plusieurs jours, amènent une recrudescence de grippe. Certains médicaments manquent, les médecins sont introuvables et les décès si nombreux qu’il faut garder les cadavres 4 et 5 jours dans la maison parce que les Pompes funèbres sont débordées ».
L’épidémie connaît ensuite une période de répit avant de repartir, mais avec moins de virulence, pendant l’hiver et au début du printemps.