Les Etats-Unis ont perdu des hommes pendant le conflit, mais n’ont pas autant souffert humainement et matériellement que les Européens aussi, à la conférence de la paix, Wilson est-il moins sensible au règlement des conséquences matérielles de la guerre et met-il l’accent sur un objectif idéal : assurer la paix par la mise en place d’une Société des Nations à laquelle il tient beaucoup (« sa fille » selon Buat).
Cela agace. Le général Buat note dans son Journal :
« Fermentation anglaise. Toute la Chambre des Communes exprime, par un télégramme à Lloyd George, son étonnement qu’après cinq mois de tergiversations, la Conférence n’ait abouti à rien, pas même à fixer le taux de la dette allemande. Voilà qui va peut-être inciter le président Wilson à hâter les négociations.
Cet homme est vraiment inénarrable ! Récemment, il faisait passer un communiqué à la presse pour prouver que son invention de la Société des Nations n’avait en rien retardé les pourparlers de paix !… Les Américains, en toute cette affaire, sont incapables, pour la plupart, de se placer du point de vue français. C’est ce que j’essayais de faire comprendre récemment au colonel Clark, leur chef de mission au GQG. « N’est-il pas possible, lui disais-je, que la nation allemande – une grande nation – qui infailliblement retombera tôt ou tard sur ses pieds, refuse d’exécuter las clauses du traité ? N’est-il pas possible qu’elle cherche à s’affranchir de ses obligations, même au prix d’une attaque ? Il est trop certain que les antécédents de cette nation ne sont pas rassurants à ce point de vue. Et il suffit que cela soit possible, pas même probable, pour que la France qui sera seule à supporter le choc quand Anglais et Américains seront partis, exige des garanties. Car, quand les Anglais arriveront-ils à la rescousse ? Quand les Américains ? Et s’il n’y a pas de garanties qui reportent la lutte hors de notre territoire, verrons-nous, une fois de plus, la France dévastée ? Notre pays devra-t-il dans dix, quinze ou vingt ans, revoir les horreurs de 1914 à 1918 ? Donc la nécessité s’impose de reporter largement hors de chez nous la véritable frontière de la France. Sans compter que cette condition entraînera l’occupation des pays rhénans et qu’au fond, l’Amérique comme la France, est intéressée à ce que les Alliés conservent ce gage en face d’une Allemagne récalcitrante. ».
A la conférence de la paix, les esprits ne sont pas démobilisés. Les croyances et les peurs entretenues pendant le conflit perdurent. L’Allemand fourbe et belliqueux par essence doit être désarmé, tenu à distance, occupé. On se prépare à une paix de vengeance.