La directrice de l’école de filles de la rue Ampère, dans le quartier ouvrier de Chantenay, écrit dans son rapport de fin d’année scolaire :
« Ce beau mois de juin, il nous amène, lui, « l’ère des congés » cette désorganisation d’un autre genre. Aux congés habituels et déjà trop nombreux – l’école est un centre d’examen pour le certificat d’études – s’ajoutent cette année toute une série de congés supplémentaires : 25 juin, congé parce que les Allemands acceptent de signer la paix ; 28 juin, congé parce que les Allemands signent le traité de Versailles ; 4 juillet, congé pour la fête nationale américaine ; 14 juillet, fêtes de la Victoire. Et invariablement, le lendemain d’un congé, il y a bien plus d’élèves absentes que les autres jours. Enfin, c’est aussi en juin que les ouvriers obtiennent la semaine anglaise qui nous prive de certaines élèves le samedi après-midi et le lundi matin …
L’année scolaire 1918 – 1919 a été pour l’école, que le conflit mondial n’avait jamais désorganisée, la plus pénible des cinq années de guerre. Nous n’avions jamais travaillé dans de si mauvaises conditions et jamais eu des enfants si peu appliquées. Tous les maîtres, sans exception, se plaignent de leurs élèves, les trouvent inattentifs et incapables d’un effort suivi. Je me demande si la mauvaise alimentation des enfants n’est pas la cause de cette inattention. Maintenant que les femmes travaillent presque toutes à l’usine, le plus souvent dans les familles ouvrières, l’on vit de pain et d’aliments achetés tout cuits ; l’on fait bombance le jour de la paye, le reste du temps l’on achète à crédit et bien cher, ce qu’on trouve, c’est-à-dire rien qui vaille ».
La directrice de l’école de filles du boulevard de la Colinière renchérit :
« L’année scolaire fut particulièrement pénible pour les élèves et la maîtresse de la classe du certificat d’études et surtout en raison de l’état de santé et du manque de mémoire de certaines élèves. Il faut peut-être ajouter aux distractions dues aux grands événements de la guerre l’énervement causé par la longueur des préliminaires de la Paix, les préoccupations matérielles de toutes sortes, difficultés de ravitaillement, cherté extraordinaire des denrées et des vêtements, les arrivées des pères et des frères, démobilisés, des prisonniers de retour d’Allemagne, réunion de famille à ce sujet, visites des parents blessés dans les hôpitaux etc. ».