Notre Parler Poilu

Poilu

 » Poilu : combattant de la guerre 14-18. Mais le poilu est français, comme le pointu (ou le boche) est allemand et le tommy britannique.

Dès octobre 1918, Gaston Esnault, professeur au lycée de Nantes entre 1910 et 1919, signe la préface de son ouvrage Le Poilu tel qu’il se parle, « dictionnaire des termes populaires récents et neufs employés aux armées en 1914-1918, étudiés dans leur étymologie, leur développement et leur usage ». Selon notre agrégé de grammaire, professeur en 6ème puis en 5ème, le terme « poilu », utilisé dès août 1914, surtout par les troupes d’Afrique, les fantassins coloniaux et les Parisiens, mais non par les contingents du nord-ouest, est universalisé par les journaux et les permissions dès l’été 15. Il devient en usage par extension pour désigner les groupes d’adolescents : « trente poilus à mener à la promenade » (lycée de Reims), alors que ceux-ci ne sont même pas en âge d’être des demi-poils.

Le poilu invective les épilés (embusqués), raille les subpoilus (qui ne se sont pas encore battus) et rêve peut-être de devenir un surpoilu (surhomme). A la nuque (au front) le poilu parle la langue poilue, lit La Vie poilusienne à défaut d’y trouver la Vie Parisienne et attend le retour à une vie poilpoil (pépère). Gaston Esnault, tout en relevant qu’« il est savoureux de discuter philologie et grammaire sous les bombes » (Vie Parisienne, 23 février 1918), exprime sa gratitude à tous ceux qui ont collaboré à ses recherches et, au nombre de ses correspondants « presque tous dans les remous de la bataille », des Nantais bien connus au lycée : les lieutenants Paul et René Théry (anciens élèves), le secrétaire d’état-major Louis Villat (professeur d’histoire). L’auteur, lui-même combattant pendant trente-huit mois bien que né en 1874, propose au lecteur qui voudra bien compléter ou rectifier son enquête de lui écrire à son domicile, 2 rue Prémion à Nantes. »

Jean-Louis Liters

 In Potache Océan, édition de Presse-Océan du jeudi 23 octobre 2008


Dans Le Populaire, où chaque jour il tient une rubrique tantôt exaltant les combattants français, tantôt accablant ceux qu’ils n’appellent que « les Boches », Verax s’essaie à définir ce personnage nouveau : le poilu.

« Pourquoi poilus ? Je ne me charge pas de l’expliquer, mais le mot a une belle allure, il dit bien ce qu’il veut dire… Quand on porte un nom comme celui-là, on n’est pas une femmelette, on ne passe pas son temps à se regarder dans un miroir et à faire sa toilette, on laisse pousser sa barbe et ses cheveux, on est souvent mal soigné, mais on est toujours brave, on supporte le vent, la pluie, le froid, on n’a peur de rien, on a en toutes circonstances le sourire sur les lèvres et l’on meurt en chantant.

N’est pas poilu qui veut ! Ils n’en ont pas de cette espèce en Allemagne.

L’Empire a eu ses grognards, la République à ses poilus. »

Jean Bourgeon

Chronique pour Nos Ans Criés du 3 janvier 1915