A un mois des élections législatives, la Fédération socialiste de Nantes fait appel à Jean Jaurès pour exposer le programme du Parti socialiste unifié.
L’Apollo est plein à craquer. On a placé des sièges supplémentaires sur la scène, dans les coulisses, dans l’orchestre et même dans les allées donnant accès au parterre. Malgré cela de nombreuses personnes ont dû rester à l’extérieur.
Après une courte présentation, Brunellière, leader des socialistes nantais et candidat aux prochaines élections, laisse la parole à Jaurès qui présente la doctrine du Parti socialiste : « Au régime actuel de compétitions capitalistes doit se substituer un régime de coopération sociale où il n’y aura plus ni maîtres ni sujets, mais une association fraternelle de producteurs libres » (cité par Le Populaire). L’orateur expose la place du port de Nantes dans le capitalisme mondial et critique ensuite la Loi des 3 ans qui, en privant l’agriculture et l’industrie de bras indispensables, met l’économie nationale en péril. Après avoir évoqué les soldats de 1792 et 1793 il résume son projet d’une « armée nouvelle ». Il dit quelque mot du projet d’impôt sur le revenu, bloqué par le Sénat, et s’en prend ensuite à l’opportunisme d’Aristide Briand comparé à un voltigeur de cirque, ce qui provoque l’hilarité du public. Il termine en présentant les réformes que le Parti socialiste présentera lors de la nouvelle législature : réforme militaire, réforme fiscale et progrès social. Il appelle les électeurs à rejoindre le Parti socialiste « qui veut pour la France plus de justice et prépare l’avènement de la République sociale ».
Après une longue ovation de la salle un contradicteur, Mr Louis Chabot de Saint-Nazaire, prend la parole sur la Loi de 3 ans, indispensable selon lui, et termine en criant, comme Déroulède : « France d’abord ». Jean Jaurès après l’avoir écouté, lui serre la main et réplique aux arguments de son contradicteur.
Les journaux nantais (Le Phare, Le Populaire, Le Télégramme (qui a succédé à L’Espérance du peuple le 1er mars) relatent le déroulé de la conférence et les propos de Jaurès. Les seules critiques relevées émanent du Télégramme, journal monarchiste, qui résume ainsi les propos du leader socialiste : « Il s’agit de billevesées qui ne méritent pas l’honneur d’un examen plus profond, surtout quand le baladin qui parle de supprimer à jamais les guerres étrangères est un entrepreneur patenté de guerres civiles ». (10 mars)