Malgré la fin de la guerre, la vie chère, les restrictions continuent, ce qui inspire quelques poètes du quotidien.
Jadis, lorsque c’était la guerre
Nous espérions tout de la paix :
Confiants, nous attendions l’ère
Prochaine de bonheur parfait.
Et nous acceptions sans murmure
Chaque nouvelle restriction,
Serrant d’un cran notre ceinture
Avec l’intime conviction
Que ce beau geste était l’augure
De notre victoire future.
Enfin, nous avons le succès !
Salut, Paix ! Sois la bienvenue :
Nous pourrons calmer les accès
De notre faim mal contenue.
Adieu les cartes et les coupons,
Les stations à l’épicerie !
Nous aurons bientôt le charbon,
Le sucre, la charcuterie
Dont nous fûmes longtemps privés.
Le jour de liesse est arrivé !
Hélas ! Tout cela n’est qu’un leurre.
Maintenant, il faut déchanter
Car nous n’avons pas plus de beurre,
De vin, de tabac, de café
Qu’aux jours angoissants de naguère.
Nous en accusons les transports,
Les gros profiteurs de guerre,
Les paysans !… Nous avons tort !
La raison en est plus logique :
Ce sont ces Messieurs nos gouvernants
Qui préparent en ce moment
Notre après-guerre économique.
« Les restrictions ont réussi
A nous apporter la victoire,
Se sont-ils dits. Il faut ainsi
Continuer, pour notre gloire.
Nous battions l’ennemi partout
Lorsque nous avions peu de chose ;
Donc, quand nous manquerons de tout
Nous le mettrons à jamais hors de cause ! »
Gaston Barthe, (dans Le Populaire du 21 mars 1919)