lundi, 10 janvier 1916

Gallipoli, Corfou et le talon d’Achille

Ce jour, Le Populaire publie le communiqué officiel suivant :

« Dans la nuit du 8 janvier, l’évacuation complète de la presqu’île de Gallipoli, minutieusement préparée depuis quelques jours et parfaitement réglée par le commandement anglais et par le commandant de notre corps expéditionnaire, s’est effectuée sans aucune perte… ».

 

Le lendemain, 11 janvier, un autre communiqué,  publié dans Le Phare, annonce :

« Un navire de guerre français a débarqué un détachement de troupes dans l’île de Corfou, afin d’y préparer l’arrivée des troupes serbes. »

 

Derrière le ton martial des communiqués se cache une terrible désillusion : l’expédition des Dardanelles finit piteusement et les troupes franco-britanniques, repliées à Salonique, sont condamnées à l’impuissance. Seuls quelques navires peuvent évacuer à Corfou (sans l’autorisation des Grecs) les restes de l’armée serbe acculée sur la côte albanaise par les Bulgares et les austro-allemands. Cela suffit à l’éditorialiste du Phare pour cacher la gravité de la situation du front d’Orient :

« L’installation de l’armée serbe dans l’île de Corfou, permet aux soldats du roi Pierre de se reconstituer et de se préparer à de nouvelles luttes ; de ce point admirablement choisi, ils peuvent être transportés rapidement à Salonique… ».

 

La géographie contredit le « rapidement » ? Qu’à cela ne tienne ! Maurice Schwob, qui tient absolument à soutenir le moral du lecteur, en appelle à la mythologie : « La fable nous apprend que l’invincible héros Achille, protégé par les Dieux, fut tué lorsqu’on le frappa au seul point vulnérable, qui était le talon. L’Allemagne commence à avoir l’estomac dans les talons. »

 

Par ces temps de bourrage de crâne, Achille a-t-il besoin d’un casque…à pointe !