Maurice Digo est toujours bloqué là où nous l’avons laissé dans notre chronique du 10 avril.
Aujourd’hui, il note dans ses Carnets :
« Un jour livide et brumeux succède à cette nuit épouvantable. Une corvée de soupe apporte quelques vivres mêlés de terre, mais rien à boire….
Vers midi, un monstrueux duel d’artillerie a donné aux fantassins quelques instants de répit. Je lève la tête au-dessus du parapet. Le paysage est sinistre. Dans le secteur visible, tout est bouleversé, déchiqueté, il y a tout près, d’énormes entonnoirs. Quand le tir de contre-batterie est terminé, l’artillerie allemande reprend son pilonnage. Une nouvelle batterie tire des salves de 6 coups. Tout ce qui reste de verdure est pulvérisé, des trombes de mitraille et de terre s’abattent sur nous, l’écœurante odeur de poudre envahit les trous. La souffrance devient intolérable, la peur paralyse les gestes. Quand je me suis lancé le soir à travers la piste, escaladant les cadavres, m’arrachant aux obstacles, je n’ai pu reconnaître aucun repère, seul l’instinct m’a conduit au but…
Il pleut, le bombardement faiblit. Je pense que, de part et d’autre, il ne reste plus beaucoup de monde à tuer en première ligne ».
Le lendemain, le bataillon est relevé.
L’offensive allemande sur le secteur du Mort-Homme faiblit d’intensité ; mais ce n’est qu’un répit.