dimanche, 5 décembre 1915

La guerre de Troie

Par un décret, paru au Journal officiel du 2 décembre, Joffre est nommé commandant en chef de toutes les forces armées françaises en Europe (et non plus seulement en France). Cette promotion, qui n’est en fait qu’un début de mise sur la touche, fait sourire ou grincer des dents.

 

Dans Le Populaire, sous le titre « Généralissime », Gaston Veil s’interroge : « Généralissime est-ce plus ? Est-ce moins que ce qu’il était auparavant ? Au point de vue honorifique, c’est évidemment plus… Le généralissime, c’est le général des généraux, quelque chose comme, pendant la guerre de Troie, Agamemnon… celui qui commandait à tous les chefs grecs. Il est vrai que certains parmi eux, le bouillant Achille, par exemple, faisaient parfois la mauvaise tête et refusaient d’obéir… »

 

Le général Guillaumat, qui a une idée de qui est le nouvel Achille, écrit à son épouse le jour même où Veil publie son éditorial :

« Je ne veux pas parler de la guerre, mais je pense qu’on ne se fait aucune illusion sur le débarquement fleuri du général Joffre. Son successeur déguisé va se heurter à bien des jalousies parmi les grands chefs qui l’ont poussé ; car ils ne croyaient pas que leur poussée le mènerait si haut. Pas gai tout cela. »

 

Le « successeur déguisé » est le général de Castelnau, que Clemenceau avait baptisé « le général de Jésuitière » à cause de son engagement très marqué dans le camp clérical.