Dans son éditorial du Populaire, Gaston Veil rend compte, assez justement, de l’esprit du moment :
« La guerre serait-elle finie sans que nous nous en doutions ? On lit encore vaguement des communiqués sans intérêt ; mais c’est tout. En dehors de tout cela, il n’est plus question que de l’affaire Bolo. Quand celle-là sera terminée, l’affaire Malvy-Daudet commencera ; puis c’en sera une autre, et ainsi de suite…
Car si n’entendant plus parler de la guerre, nous pouvons avoir l’illusion qu’elle est finie… nous constatons que la paix est loin de régner. Nous nous préparons avec énergie à résister à un assaut nouveau de nos ennemis. D’autre part, ceux-ci se rappellent à notre souvenir par des incursions comme le dernier raid aérien sur Paris. Enfin, nous sommes obligés de nous soumettre à des restrictions de toutes sortes… Beaucoup des nôtres sont tombés au cours de ces quarante-deux mois, et il en tombe encore chaque jour, quoique les gens de l’arrière aient l’impression qu’on ne se batte plus.
Mais a-t-on le temps de penser à toutes ces misères, lorsqu’on a l’esprit occupé par les scandales ? Et j’en arrive à me demander si ces scandales n’ont pas été inventés pour servir de diversion, de dérivatif. Pendant qu’on suit ces affaires, si ce n’est pas la paix pour le pays, c’est au moins la paix pour le gouvernement qui a alors la faculté de diriger la guerre comme il l’entend ».
Et Gaston Veil, après cette clairvoyante analyse, consacre toute la suite de son long éditorial à… l’affaire Bolo !