mardi, 8 juin 1915

L’attaque de la ferme de Toutvent

Dans son Journal, Léon Jost raconte longuement les journées du 7 et 8 juin où son régiment, le 65e RI de Nantes, participe à l’offensive sur la ferme de Toutvent.

 

 

Extrait de la journée du 8 juin :

 

« Avec l’arrivée du jour le bombardement diminue un peu d’intensité ; le ravitaillement en profite pour nous faire parvenir du vin, un quart chacun. C’est le seul liquide pris depuis la veille au soir.

 

Enfin sur les 8 heures on reçoit l’ordre de mettre sac au dos et de s’apprêter à sortir de la tranchée. L’objectif qui nous est assigné est la ferme de Toutvent qui est bien en arrière des lignes allemandes… Notre premier bond doit nous conduire à l’ancienne tranchée de première ligne allemande mais il faut pour cela traverser en biais un large espace découvert sur lequel nous allons certainement être pris par des feux d’enfilade partant des tranchées à droite et à gauche. Du reste lorsque la 1ère et la 2è section s’élancent on ne conserve aucun doute à ce sujet car immédiatement les balles commencent à siffler et l’on voit aussitôt des hommes tomber. Aussi lorsque le tour de la 3è section arrive je remarque un peu d’hésitation parmi ceux qui m’entourent. C’est alors que, conscient moi aussi du sort qui m’attend, je m’élance par-dessus la tranchée en criant : « En avant, c’est pour la France ».

            Tout de suite les balles sifflent autour de moi comme des abeilles et l’une d’elles se loge même, sans que je m’en aperçoive, dans l’appareil photographique que je porte dans ma musette. Les fusants labourent le sol et font comme de petits volcans qui se soulèvent un peu partout tandis que les percutants éclatent dans l’air de tous les côtés…chaque pas en avant me semble incompréhensible aussi, bientôt, je n’essaie même plus de courir et je me contente, mon fusil à la main, de marcher dans la direction indiquée. Enfin voici la tranchée allemande, ou du moins ce qu’il en reste car elle est entièrement labourée et nivelée par notre artillerie. Je m’y jette et c’est à ce moment-même qu’un 77, éclatant dans la tranché, tue un homme que je vois sauter en l’air à trois mètres de moi et que je suis touché par un éclat à la jambe… »

La ferme de Toutvent est reprise, mais pour Léon Jost, la guerre est finie. Gravement blessé, il sera bientôt amputé de la jambe gauche.