Entre l’aspiration des soldats à rentrer chez eux et les besoins des autorités militaires et politiques soucieuses de prévenir une reprise des hostilités, la démobilisation reste un casse-tête.
Au Grand Quartier Général, le général Buat note dans son Journal :
« Tout récemment, nous avons enfin pu arriver, de concert avec le maréchal Foch et l’état-major de Paris, à fixer la nature et la force de la future armée d’occupation, et à diviser le reste de l’armée en deux catégories : la première qui restera mobilisée aussi longtemps que possible et, de ce fait, doit être formée avec les classes les plus jeunes de l’armée ; la seconde, qui tombera peu à peu dès que la démobilisation reprendra et qui, de ce fait, à part un petit noyau actif, doit être composée des classes les plus anciennes. Cette organisation nécessite évidemment de vastes remaniements d’effectifs…
Or, hier soir 9 avril, j’ai reçu un coup de téléphone affolé de M. Deschamps, sous-secrétaire d’Etat à la Démobilisation, me disant que le président du Conseil a vu cette instruction, qu’il s’est emballé, qu’il ne veut pas de démobilisation actuellement, etc.
Il ne faut se faire aucune illusion. Qu’il le veuille ou non le président du Conseil sera obligé de continuer à démobiliser. La volonté du pays et des intéressés eux-mêmes l’y forceront. J’ai montré à M. Deschamps le relevé des plaintes constatées par le contrôle postal dans la correspondance des soldats. Il n’y a pas un courrier de division qui ne renferme plusieurs centaines de lettres exprimant les plaintes les plus vives sur le sort qui sera réservé aux classes 1907 et suivantes. Il me paraît que c’est moins la hâte de partir qui pousse nos hommes que le désir d’être fixés, quelle que soit d’ailleurs la date qui sera indiquée ».
Près de 5 millions de soldats français seront renvoyés dans leurs foyers en deux temps : de novembre 1918 à avril 1919 puis, après l’arrêt voulu par Clemenceau évoqué ci-dessus, de juillet à septembre 1919. Les jeunes classes 1918 et 1919, les dernières enrôlées, ne seront libérées qu’en mai-juin 1920 et mars 1921.