C’est le titre de l’éditorial de Gaston Veil en une du Populaire :
« Il est de plus en plus manifeste que nous n’étions pas préparés à la paix et que rien n’était prévu pour le retour à l’état normal… Le gâchis existe partout, non seulement dans l’organisation du travail, mais dans les transports et dans le ravitaillement
La crise des transports a atteint un tel degré qu’elle ne semble plus pouvoir s’aggraver davantage… Quant au ravitaillement, il se fait dans des conditions si déplorables qu’elles ne peuvent pas l’être plus. Sans parler des régions comme la nôtre, où la vie atteint des prix exorbitants… ».
Et le chroniqueur de désigner les coupables : « Ces services sont pour la plupart militarisés. Or les militaires ne pensent plus guère qu’à leur démobilisation. Ils n’ont plus le zèle qu’ils avaient pendant la guerre ».
Au Grand Quartier Général, le général Buat fait lui aussi le constat du gâchis :
« J’ai mis en confection une lettre adressée personnellement à M. Clemenceau pour le mettre en garde contre les conséquences possibles de la situation faite aux armées par la gabegie qui règne dans les transports. Un fait est certain : les ravitaillements sont parfaitement irréguliers ; le courrier postal arrive mal ; on ne peut plus obtenir ni habillement, ni chaussures. A tout cela on s’obstine à nous objecter : la crise des transports…
Aussi le poilu ne se gêne-t-il pas pour dire que pendant tout le temps où l’on a eu besoin de lui faire casser la figure, on l’a soigneusement pourvu du nécessaire, mais que, ce temps passé, on le traite en quantité négligeable. Il n’est évidemment pas décidé à subir ce traitement et il le dit… ».
Et le général de désigner le coupable : « Ne serait-il pas déplorable de voir notre magnifique armée s’en aller en déliquescence parce que quelque Claveille, se disant ministre des Transports, est incapable de mettre un peu d’ordre dans son administration ».
Selon que vous serez civil ou militaire les jugements… Mais pendant ce temps le gâchis continue.