jeudi, 6 avril 1916

Le général est un incapable et un assassin

« Laissons aux chefs militaires tout leur sang froid… » écrivait Maurice Schwob dans son éditorial du Phare (chronique d’hier).

 

Face à l’offensive allemande sur Verdun, certains généraux manquent singulièrement de ce sang froid si l’on en croit le récit du Nantais  Maurice Digo qui, ce jour, monte en premières lignes pour lancer une contre-attaque dans le secteur du Mort-Homme :

 

« Rassemblement du Bataillon et départ à 10 heures. A Esnes, dans l’obscurité absolue, la distribution de quelques outils de parc crée une pagaille complète… Les camarades abrutis de fatigue et ne sachant où on les mène, commencent à flancher. L’adjudant de la 12e dont je reconnais la voix aigre se démène et crie « En avant », on lui répond « à la boucherie ».

Quand j’arrive près du capitaine Cochin, le 9e est coupé en deux ou trois endroits. Transpirant, essoufflé, titubant dans l’invisible chaos, je remonte une seconde fois, mais, près d’un buisson, le 2e peloton de la 12e est bloqué, les gradés n’ayant aucune instruction sur le mouvement ont pris le parti d’attendre. Plus tard, quelqu’un passe, réveillant les dormeurs à coups de pied. La colonne se reforme, atteint le sommet de 304 où se trouve déjà une partie du Bataillon, mais le petit jour va nous surprendre avant qu’il soit possible d’atteindre les emplacements de départ. Le commandant place les compagnies dans un boyau inondé et renonce à poursuivre.

Sur la droite, le 160e a dû pouvoir se placer à temps et attaque sans nous… Terrés dans la boue glaciale, nous devons attendre que l’obscurité nous permette de circuler. Le commandant qui a pris l’initiative de renoncer à l’attaque réunit les commandants de compagnies, le nom du général Mary, responsable de l’affolement, du désordre et de la casse dans les unités qui nous ont précédés ici est chuchoté. Péré, qui nous rapporte une partie de l’entretien, ajoute qu’on le considère comme un incapable et un assassin ».