Dans les gares de Nantes, les incidents continuent au passage du train des permissionnaires. Des soldats et des civils se sont même répandus dans la ville en criant « A bas la guerre ! Vive la Révolution ! »
S’appuyant sur les rapports de la police et le courrier du maire de Nantes, le préfet de la Loire-Inférieure envoie au ministre de l’Intérieur un long rapport exposant les faits et leur cause principale : la démoralisation des soldats et des civils.
« Un assez grand nombre de soldats du front – principalement des territoriaux – venant en permission dans leurs familles, y tiennent des propos pessimistes et, je dois dire, que ce mauvais état d’esprit semble avoir été provoqué par le résultat de l’offensive de Champagne qui, d’après les dires des poilus « a raté »…
L’entrée des Américains dans la guerre a tout d’abord été interprétée par un certain public comme un gage de la prolongation de la guerre…
L’augmentation du coût de la vie, les restrictions successives imposées à la population…. Les réquisitions, quelquefois malencontreuses de l’Autorité militaire…
La prolongation des hostilités n’a fait qu’accuser l’antagonisme existant entre les ouvriers mobilisés des usines dont les salaires augmentent chaque jour, et les soldats permissionnaires qui retrouvent leurs anciens camarades biens payés et à l’abri du danger…
De cet état de choses général, résulte une certaine nervosité… et une tendance à ajouter foi aux bruits les plus invraisemblables ».
Le préfet cite alors des rumeurs qui courent dans le département dont celles-ci :
« On a dit que la main d’œuvre américaine serait peu à peu substituée dans les usines à la main d’œuvre française….
On a dit dans plusieurs campagnes, où le caractère vendéen superstitieux et pratiquant est resté vivace, que la guerre ne se terminerait pas, tant que sur les drapeaux des armées ne figurerait pas l’emblème du Sacré-Cœur… ».
Le préfet termine son rapport par le bilan de son action. S’il reconnaît un échec en matière de police : « Le public oppose à ces agents de l’Autorité aussi bien d’ailleurs qu’aux militaires de l’intérieur qui leur sont adjoints, une force d’inertie totale et ironique », il se veut modérément optimiste sur son action auprès de la presse : « Cette campagne qui paraît déjà porter ses fruits sera continuée, mais il ne faut pas se dissimuler qu’elle est impuissante à combattre le pessimisme que certains territoriaux apportent du front ».