Le 30 août, le général Guillaumat, ancien élève du Lycée de Nantes et, à cette date, chef de cabinet du ministre de la Guerre, écrit à son épouse :
« Les Allemands continuent visiblement à déborder par l’Ouest vers Saint-Quentin. Leur plan est manifeste : ils veulent arriver à Paris le plus tôt possible… Petit à petit on constitue à Gallieni une armée pour les arrêter.»
Ce constat sur la situation militaire est fait à titre privé. Le communiqué officiel transmis aux journaux décrit une autre réalité : « La situation sur notre front de la Somme aux Vosges est resté aujourd’hui ce qu’il était hier. Les troupes allemandes paraissent avoir ralenti leur marche ».
Les journaux traduisent ce communiqué mensonger en titres qui se veulent (maladroitement) rassurants : « Nos troupes résistent avec acharnement à l’avalanche allemande » (Le Populaire du 27 août) ; « La Résistance des armées alliées est admirable. » (Le Populaire du 31 août). Pour les lecteurs qui s’étonneraient que résister c’est bien mais qu’il faudrait mieux passer à l’offensive, Le Populaire et Le Phare titrent le 29 août : « Durer c’est vaincre ».
Pour maintenir le moral des lecteurs, et tenter de convaincre ceux qui savent décrypter la presse et comparer ses titres lénifiants avec les arrivées de plus en plus massives de blessés à la gare de Nantes, rien de mieux que d’exalter la bravoure dont font preuve ces combattants revenus du front face à des Allemands, propagande oblige, lâches et maladroits:
« L’un des blessés que nous avons pu joindre, un brave petit pioupiou, nous adonné quelques impressions du combat auquel il a pris part. »
« Les Allemands, dit-il, ne veulent pas combattre à découvert. C’est cachés dans des bois ou dans de profondes tranchées qu’ils ont tiré sur nous. Notre cavalerie et nos baïonnettes leur inspirent une profonde terreur et dès qu’ils voient apparaître un groupe de dragons ou des fantassins qui se préparent à charger, ils se terrent ou gagnent les bois. Pendant l’engagement au cours duquel j’ai été blessé, dit encore le petit soldat, l’ennemi était caché dans des tranchées. Leurs balles passaient au-dessus de nous, car ils nous ont paru de forts mauvais tireurs. Nous chargions… Notre artillerie, qui est supérieure, transforma les tranchées en charniers. Après le combat, il n’y eût plus qu’à couvrir de terre des cadavres qui comblaient jusqu’au bord les tranchées allemandes. » (Le Populaire du 27 août).