Alors que Français et Anglais achèvent la conquête de la colonie allemande du Cameroun dans l’indifférence générale, c’est à la prise d’Erzeroum, capitale de l’Arménie turque, par les troupes russes, le 16 février, que les journalistes nantais consacrent leurs éditoriaux.
Tandis que les armées alliées piétinent dans la boue et le sang, sur le front occidental, cette victoire permet aux journalistes de s’enthousiasmer et surtout de se livrer à leur activité favorite : la prospective stratégique. Ils sont à nouveau victimes du mirage de Constantinople et, faute d’y voir les Français ou les Anglais, c’est le Tsar qu’ils installent à Byzance.
Tirant les conséquences de la prise d’Erzeroum pour le front occidental, Maurice Schwob écrit dans Le Phare :
« Les journaux allemands… cherchent un dérivatif en parlant de « l’activité de l’armée d’invasion en France ». Cette activité apparaît jusqu’ici un peu confuse. Elle n’a pu, nulle part, trouver un point faible, et les vains efforts de nos ennemis leur ont coûté très cher. Vont-ils les prolonger ? Essayeront-ils une nouvelle course vers Calais ? Ou bien est-ce du côté de Belfort qu’ils se jetteront ? Nous les attendons…»
Trois jours plus tard, les Allemands lanceront sur Verdun la plus longue bataille de la Grande guerre. Mais pour l’instant, rien ne le laisse présager dans les communiqués officiels. Celui de ce jour se réduit à quatre phrases, dont cette dernière pour le secteur allant de Reims à la frontière suisse : « Faible activité d’artillerie. »