Au Grand Quartier général, Edmond Buat est major général sous les ordres directs du maréchal Pétain commandant en chef de l’armée française.
Entre les deux hommes une relation de confiance s’est établie. Aujourd’hui, comme souvent, ils déjeunent ensemble et ont invité à leur table un correspondant de guerre blessé sur le front qui interroge Pétain sur les émotions qu’il a ressenties lors du défilé de la Victoire le 14 juillet.
Le général Buat note dans son Journal la longue réponse de Pétain dont nous retenons ce passage qui ne manque pas de saveur quand on sait ce qu’il advint plus tard du « Maréchal » :
« Au fond il [Pétain parlant de lui] n’aime pas la foule. Il ne l’aime pas parce qu’elle se donne à n’importe qui, sans trop savoir au juste pourquoi. Il préfère la solitude. Seul il ne s’ennuie pas, il ne s’ennuie jamais, et, s’il était libre, si demain on ne lui disait pas qu’il y a quelque œuvre à accomplir, il se retirerait avec joie dans la petite maison qu’il est en train d’acheter du côté d’Antibes. Il déteste, par conséquent, ce qu’on est convenu d’appeler la popularité. Il a bien été obligé d’avoir des photographies, mais il a toujours refusé de se faire peindre, seul, pour le plaisir de faire vivre ses traits. Si on veut le portraiturer, qu’on le mette – et il y a consenti une fois – debout, tête nue, sur le bord d’un chemin, regardant d’un œil attendri, une division qui monte vers l’un des secteurs de Verdun. Qu’on le montre dans son œuvre, non pour lui, mais pour l’œuvre».