Sous ce titre, le chroniqueur du Phare fait un cruel constat :
« De divers côtés, on signale une indifférence grandissante de la foule à l’égard des mutilés de la guerre… Je trouve désolant de voir un amputé, péniblement appuyé sur deux béquilles, rester debout à l’arrière d’un tramway, cependant que des hommes et des femmes valides occupent les banquettes après avoir joué des coudes pour se les assurer.
Cette inconvenance devient malheureusement fréquente. L’habitude émousse les nobles sentiments comme le temps détruit les monuments les plus admirables. Elle diminue la déférence émue des premiers jours. Il est hélas ! trop vrai que cette habitude est alimentée par le nombre croissant des blessés. Nos yeux s’accoutument à les voir, notre existence se fond avec la leur…
Trop de mutilés sont déjà enclins à redouter que, la paix venue, l’on n’accorde à leur infortune qu’une attention distraite, et que le rayon d’héroïsme dont s’illumine aujourd’hui leur déformation physique, ne disparaisse dans les brumes de l’oubli.
Il ne faut donc pas que, dès ce jour, nous entretenions cette désespérance par un manquement à nos devoirs envers eux… ».