Le général Guillaumat, dont les troupes sont bloquées entre Reims et Verdun, écrit à son épouse le 19 septembre pour lui décrire les conditions d’une guerre d’un nouveau type, qu’aucun état-major n’avait encore imaginée.
« Nous voilà de nouveau en pleine bataille depuis cinq jours et tout ce que nous pouvons faire où nous sommes, c’est de nous maintenir nez à nez avec les Allemands qui sont fortement retranchés. Le malheur est que nous sommes dans le désert : les villages ont été brûlés et la pluie qui ne cesse pas depuis cinq jours a tout transformé en un lac de boue. Mes hommes sont dans un état que tu peux imaginer, couchant dans leurs tranchées et n’ayant pour ainsi dire pas d’abris. Ils sont étonnants de résistance, et je n’aurais pas cru qu’on pouvait demander à l’animal humain une pareille épreuve. Il est autrement résistant que le cheval qui crève à tous les coins. Tout cela n’est pas beau à voir, mais est tout de même beau par la somme de dévouement et d’efforts que cela représente.
Ces batailles ne ressemblent en rien à ce que l’on imaginait, les coups de fusil sont rares ; ce sont des luttes interminables d’artillerie où chacun tire sur l’infanterie ennemie un peu au hasard ; celle-ci se terre de son mieux dans des tranchées ou derrière des arbres, mais elle écope tout de même de temps en temps. On essaye de part et d’autre de lancer une attaque d’infanterie, quelquefois elle parvient à se terrer 200 mètres plus loin, et lorsque l’on a gagné cela dans sa journée on s’estime heureux. Le plus souvent, un feu violent d’artillerie arrête l’adversaire ; car il n’y a pas de troupe au monde capable de tenir sous un feu d’artillerie bien réglé, soit allemande, soit française, et les canons ne manquent pas, j’en avais bien 84 sous mes ordres. »