On l’a déjà constaté plusieurs fois dans ces chroniques, avec la Première Guerre mondiale, les enfants deviennent des acteurs à part entière du conflit. Ils n’échappent pas à ses réalités les plus douloureuses et au discours de mobilisation que forge pour eux l’école. Emportés par l’exaltation, certains adolescents franchissent la barrière de l’âge, qui devrait les tenir éloigner du front, et partent aux tranchées où la blessure et la mort les attendent. Victimes de la propagande ils en deviennent alors des acteurs.
Le Phare du 9 mars 1915, avait sous le titre « L’odyssée du petit Nantais » présenté l’aventure de Clément Huchon, 14 ans, parti de Nantes le 2 août avec un détachement du 65e RI, blessé, renvoyé chez lui et qui, par deux fois retourna au front d’où on le ramena chez ses parents.
Ce 9 novembre, Le Phare, sous le titre « Un poilu de 16 ans – L’émouvante histoire d’un jeune Nantais » fait parler Pierre Renaud qui, pour « satisfaire le violent désir que je nourrissais d’aller au front » monta dans le train, à Nantes, avec des soldats qui le cachèrent : « A X…. on me versa au 137e d’infanterie et l’on m’équipa. Le fusil d’un camarade mort devint le mien… », et le roman héroïque continue fait d’attaques, d’engagements volontaires pour les missions périlleuses, de blessures… le tout couronné par la Croix de guerre accompagnée d’une citation :
« Bien que trop jeune pour être appelé à prendre part à la défense du pays, autorisé par ses parents, s’est mis à la disposition de l’autorité militaire…A été blessé à son poste de combat… a reçu la Croix de guerre en récompense de ses services ».
De retour chez ses parents le jeune héros déclare : « Dans trois mois, j’aurai 17 ans. Je m’engagerai et mon plus vif désir est de me retrouver face à face avec les Boches. »
Les instituteurs nantais avaient là de quoi alimenter leur cours de morale du lendemain et susciter, qui sait, de nouvelles vocations.