La guerre impose une obligation morale de recueillement aux civils. Est-il possible de s’amuser, de chanter, de danser et même de parler de futilités quand des soldats tombent pour défendre la Patrie et que les blessés arrivent chaque jour plus nombreux dans les hôpitaux nantais ? La décence impose partout la retenue.
La rubrique « Mode », de Marie-Eve, dans Le Populaire, au ton autrefois si léger, si badin voire coquin, devient soudain austère.
« Je voudrais bien vous entretenir de choses gaies, mais, étant donné tout ce qui se passe, tout ce que nous apprenons chaque jour, ma plume s’y refuse. Je suis bien sûre que vous ne chantez pas un air plus joyeux, que le mien et que ce qui vous préoccupe le plus en délice des pensées que vous donnez à ceux qui vous ont quittées, c’est d’adoucir les souffrances de ceux qui reviennent blessés, de contribuer à leur bien-être, de leur préparer de chauds vêtements pour l’hiver…
« Que pouvez-vous faire pour eux ? Bien des choses, même si vous ne savez seulement que tricoter, ou faire du crochet. Les moindres projets seront les bienvenus. Chaussons, calottes, cache-nez, manchettes, chaussettes, ceintures sont faciles à confectionner…
« A l’aide de votre aiguille, vous donnerez libre cours à vos talents de lingère ou de couturière. De bonnes et solides chemises naîtront sous vos doigts, des caleçons aussi… Vous utiliserez pour nos chers blessés les vêtements que vos maris ou vos frères ont laissé en partant. Vous aurez soin, auparavant, de les mettre en bon état et d’en opérer le nettoyage parfait…
« C’est pour nous un devoir de bien traiter les soldats qui ont si généreusement versé leur sang pour défendre notre pays et arrêter l’ennemi dans son désir d’envahissement… »